pour ne garder que la substance minimale nécessaire afin que le théâtre existe : un seul acteur mis à nu devant le spectateur.
Une relation unique doit s’établir entre le « corps conducteur » de l’acteur et le « corps récepteur » du spectateur. Quant à Artaud, il évoque un théâtre de la cruauté qui préconise « une torture systématique du corps par un piétinement d’os, de membres et de syllabes » afin de libérer ce dernier du carcan social, de cette camisole de force imposée par les convenances et les automatismes de la vie quotidienne. L’acteur doit constamment mettre à l’épreuve son corps, jusqu’à frôler le danger de mort, pour parvenir à lui « arracher de l’être » et en extirper la profondeur du sens. Il s’agit de gagner et de transmettre quelque chose corporellement. À travers l’élaboration d’un théâtre corporel, libéré de l’emprise textuelle et psychologique, Artaud célèbre l’avènement d’« un nouveau langage physique à base de signes et non plus de mots ».
Aurore Chestier fait remarquer qu'on "retrouve cette volonté d’un théâtre total à travers le jeu de la performance art qui rassemble et unifie en un tout organique le théâtre, la danse, la musique, la peinture, la poésie et le cinéma, faisant appel, selon l’impératif rimbaldien, à la synesthésie des sens. Or, le point de convergence entre ces mouvements contraires est bien le corps du spectateur qui réceptionne et orchestre ces faisceaux sensoriels". Du « corps relais » comme simple prédicat assujetti au texte, on est passé au « corps matériau », devenu sujet auto-référentiel (Pavis,). Néanmoins, le primat accordé au corps n’est pas toujours synonyme d’exaltation de sa beauté ou de sa puissance. Bien au contraire, on assiste ainsi au paradoxe suivant : plus le corps est dégradé et mutilé, plus il s’impose sur scène. Plus il s’efface, plus il devient rare et, par là même, essentiel. Malmené, désarticulé, amputé, réifié, le corps se gomme progressivement de la scène. La voix, retenue comme un prolongement, une survivance du corps, devient de plus en plus brisée, atone, ténue, jusqu’à n’être qu’un souffle, une simple respiration au travail.
Le travail de l'artiste Olivier de Sagazan est différent. Dans la performance Transfiguration, le corps peut être figé, ou en mouvement, muet et pourtant si expressif. Il réunit deux univers artistiques sur une scène, le temps d’un cri de silence façonné dans l’argile. Figer le mouvement ou faire mouvoir l’immuable, le temps n’a plus ses repères et nous emporte dans ce corps à corps entre danse et sculpture.
Le principe de cette performance est un surmodelage du crâne et de la face réalisé en aveugle avec de l’argile, de la peinture, des barres de fer et du chanvre…. Un corps, de la terre, le hasard et un ressenti interne, voila les ingrédients nécessaires pour produire ces images étonnantes …. Ce ne sont pas des images « vues » mais des images « touchées » elles n’ont pas subi le jugement et le formatage par l’œil et la pensée. C’est une tentative pour retrouver une forme de transcendance ou de fascination dans la simple immanence d’un visage présent-là…
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