lundi 4 janvier 2010

Mademoiselle Bonsoir et La Reine des garces par Boris Vian


Le père Noël m'a fait une surprise, deux pièces inédites de Boris Vian, dans mes chaussons, éditées par Le Livre de poche, fin 2009. 50 ans après sa mort, Ursula Vian Kübler, sa femme, nous livre ces deux pièces jamais éditées, à peine répertoriées complétant ainsi l'œuvre de Boris Vian. Ce sont deux pièces musicales et chorégraphiées écrites courant 1952. Les centaines de feuillets ont été éparpillés, mélangés, perdus pour partie, conservés chez la femme de Vian ou retrouvés à la bibliothèque de la SACD, et il a fallu près de dix ans de travail et de recherches pour retrouver et classer les feuilles volantes et éparpillées de ces pièces, afin de coller au plus près des désirs premiers de l’auteur, nous explique Nicole Bertholt dans l'avant-propos du livre.
Alors avis aux amateurs ou aux professionnels car bien évidemment ces deux pièces n'ont jamais été montées. On retrouve des thèmes chers à Vian, à savoir, la solitude, la timidité, la rouerie mais sur un ton léger qui nous entraîne dans une critique de la société de la consommation et déjà du journalisme spectacle.

Dans Mademoiselle Bonsoir, comme souvent avec Vian, les niveaux de lecture sont multiples. Ici, au-delà de l’aspect ludique, l’auteur livre une véritable satire de la société de consommation et de ses médias, dénonçant l’absence de morale des têtes pensantes, qui tirent profit du malheur, de la naïveté et des besoins d’une partie de la population. Déjà lu, d’Orwell à Ramonet en passant par Bourdieu ? Si le sujet n’est pas nouveau la critique n’a pas pris une ride, soit dit en passant.

Mademoiselle Bonsoir

Au cours de l’année 1952, Boris Vian s’atèle à la rédaction de la comédie musicale « Mademoiselle Bonsoir ». Dans la tête de Vian, elle fait miroiter un espoir : Broadway ! Une adaptation anglaise, « Goodnight Girls Inc. » rédigée par l’auteur lui-même, existe d’ailleurs et est reproduite en exergue de ce livre, au même titre que des photographies du manuscrit. Mais trop pris par divers projets, l’écrivain n’aura jamais le temps de mettre le point final à sa création.

L’histoire… A la rédaction du magazine « Coeur Maître », les journalistes croulent sous les sacs de courriers d’amoureux éperdus ou perdus. Mais la routine et l’ennui guettent. Jusqu’au jour où un homme trop timide pour écrire sort d’un sac de La Poste, et demande aux rédacteurs spécialistes du cœur non pas de lui trouver chaussure à son pied, mais une jeune femme qui viendrait l’endormir, le border, déposer un baiser sur sa joue tous les soirs avant de repartir. L’idée fait boule de neige. Rapidement, la chaste demoiselle est dénichée, les premiers célibataires bercés par sa voix succombent et les sollicitations d’âmes en peine inondent bientôt les responsables de cette affaire. Parmi les clients, un tueur en série insomniaque aux exigences et aux habitudes loufoques qui pourraient bien faire péricliter le juteux filon. A moins que ses dirigeants ne sortent une abracadabrante illumination de derrière les fagots ?

Si « Mademoiselle Bonsoir » n’est pas terminée, si les passages dansés et chantés sont seulement signalés dans la marge, c’est sans peine que l’on comble les trous pour se délecter de cette histoire.

La reine des garces

Camille Mauser, fille d’Overland Mauser, diététicien très en vogue, est humiliée le jour de son mariage par… son mari lui-même ! Elle décide alors de devenir « la reine des garces » pour se venger et retrouver sa dignité. Mais dans son élan, la jeune femme n’épargnera personne. Pas même son père. Et surtout, elle se ferme à ce qu’elle souhaite le plus : l’amour. Mais le bonheur ne se cache peut-être pas là où elle l’attend…

Cette seconde comédie musicale couchée sur le papier entre 1952 et 1953 comporte elle toutes les chansons prévues pour la mise en scène finale. De quoi rire à toutes les pages, entre les paroles des chansons, pas de danses, situations cocasses dignes d’un vaudeville et autres dialogues ping-pong.

C’est donc, encore une fois, le sensible génie d’un Boris Vian réjouissant et néanmoins acerbe, qui apparaît entre ces lignes sauvées de l’oubli pour le plus grand plaisir de ses admirateurs.